Ce que Bruegel peint, ce que la peinture pense, tel est l'objet du livre. L'oeuvre de Bruegel nous convie a aller de la plus grande gratuite du rire et du jeu a la plus serieuse des meditations philosophiques que le jeu pictural de la forme et de la couleur puisse envelopper. Avec le corps de la multitude des enfants-qui-jouent, des paysans-qui-dansent, de ses monstres grimacants et souriants ... avec le corps de la peinture comme avec notre propre corps affecte par la force majeure de ses creations, le peintre invite l'observateur a une singuliere experimentation: celle d'une puissante participation a une realite totale, surabondante et lumineuse, qui est, elle-meme, ce proces singulier par lequel les choses sont a nouveau a voir, a penser et, indefiniment aussi, toujours-a-faire. Au coeur de la domination theologicopolitique et de ses images, l'acte de peindre devient reforme de l'entendement et resistance de la vie multiple a sa reduction sous l'Un de l'orbe crucifere du pouvoir imperial. Solitaire dans son entreprise, mais solidaire des pauvres et des opprimes, Bruegel construit - dans la clandestinite du sens - les espaces nouveaux d'une liberte commune ... ou la sphere infinie dont l'egalite (du rassasiement des corps) est la mesure.